Comme promis, voici des nouvelles du projet de Léo Henry :

"Mardi prochain, je prends l'avion pour Buenos Aires. Quinze jours de doc de terrain, de rencontres, d'entretiens, de pillage de librairies et de ruminations. J'aimerais bien ramener des photos, si j'y arrive. J'aimerais attraper quelque chose dans mon petit filet.

Ça fait un bail que je rumine ce voyage. Dans ma version fantasmée, je pensais y aller sereinement, parfaitement préparé. Aujourd'hui, j'ai l'impression que rien n'est en place, que je ne connais pas mon sujet, que mon portuñol sera insuffisant pour convaincre mes interlocuteurs, que je vais me perdre, peut-être. La date arrive et je flippe de plus en plus. Je boitille sur un pied cassé il y a presque six semaines et qui ne devrait plus me faire mal. Je préviens tout le monde que je risque de péter les plombs. Je suis pénible. C'est l'aventure, au fond, l'incertitude du grand saut : j'ai perdu l'habitude.

« Pourquoi tu te lances dans des trucs comme ça ? » est la question que j'ai le plus entendue ces derniers mois. Elle surgit dès que je commence à brosser à grands traits les problèmes que pose ce projet et les abominations qui se cachent juste derrière. Pour l'instant, la seule réponse que j'ai à apporter, c'est : « J’en sais rien. » Aussitôt suivi de  : « Ça m'intéresse. » Nous allons maintenant découvrir à quel point ça m'intéresse. Jusqu'où je suis cap’ d'aller. Jusqu'où j'ai le courage, ou l'inconscience, d'approcher du trou noir.

Je ne suis pas esseulé, heureusement, les copines, les copains, m'accompagnent au bout du mail, au bout du téléphone. J'ai été très frappé, ces derniers mois, de la bienveillance de ces ami.e.s et ces ami.e.s d'ami.e.s. Beaucoup de mes contacts à Buenos Aires se sont bricolés en trois mails, sur de vagues recommandations, ou rien du tout, mon seul intérêt pour le sujet, la dictature, la bédé, Oesterheld. Je suis à chaque fois surpris de la facilité avec laquelle on me connecte, du crédit spontané que l'on accorde à l'écrivain. Quelques-uns de ces personnages que je vais rencontrer m'impressionnent beaucoup. D'autres me disent très vite des choses très fortes. Je ne sais pas quoi faire de toute cette confiance.

Après dix d'absence, je vais renouer avec l'Amérique latine, avec l'été austral et cette capitale étrange, bizarrement familière, familièrement bizarre, et l'âpreté du voyage en solo. Je vais chercher, causer, prendre des notes. Tenir au loin les cauchemars. Trouver un livre.

Je vous tiens au courant !"

D'autres nouvelles à son retour...